Sept fois champion suisse individuel entre 1978 et 1987, deux fois médaillé de bronze aux championnats d’Europe en 1980 et 1984, deux fois sélectionnés aux championnats du monde en 1981 et 1983, quart de finaliste aux Jeux Olympiques de Los Angeles en 1984, successivement en moins de 60 kg, 65 kg et 71 kg. Comme entraîneur et capitaine de la première équipe morgienne, j’ai combattu en ligue A et en coupe, dans toutes les catégories de poids.

L’histoire du judo club de Morges, c’est une famille, des amis, un esprit d’équipe pérenne partagé quotidiennement grâce son fondateur et mentor Claude Pellet.

  • sur nos tatamis rudes aménagés chez BétonBau et dans la grotte de Couvaloup, pour l’entraînement quotidien ; mieux valait faire chuter que se laisser « tourner »
  • lors des stages intensifs à la Vallée de Joux, où se jouait une compétition non certifiée olympique, le nombre de tartines ingurgitées au petit déjeuner;
  • sur les innombrables sites de compétition en Suisse et à l’étranger, où nous nous déplacions en VW Coccinelle, en Peugeot 504 ou en fourgon VW, parfois deux moins de 30 kg représentaient un passager.

En 1973, j’accompagnais quotidiennement Henri Straehler à l’entraînement, en empruntant les escaliers sombres de Jean-Jacques Cart, qui existent toujours. Il m’a montré le chemin et fut le premier champion suisse écoliers et l’avant dernier président du club. C’était un surdoué, un peu le grand frère qui pratiquait uchi mata, tomoe nage et juji gatame. Qui aurait imaginé que ce seraient quelques-uns de mes mouvements spéciaux tout au long de ma carrière de judoka.

Au début 1975 déjà, Claude Pellet m’a confié l’apprentissage des chutes aux débutants, mission que je partageais avec Raffi Zamponi, grande championne à une époque où il n’existait pas de compétitions pour les femmes. Comme récompense, le mentor et sa femme Paulette nous ont invités tous les deux aux championnats du monde de judo à Vienne/A. Sur le retour, dans la Peugeot 504, je lui promis que j’y participerais un jour et il m’a répondu « on n’est jeune qu’une fois et ça ne dure pas longtemps, travaille».

En 1978, j’ai obtenu mon premier titre de champion suisse espoirs et ainsi participé aux championnats d’Europe à Miskolc/H, où j’ai perdu en quart de finale après 3 victoires.

En 1980, sacré à nouveau champion suisse, j’ai glané la médaille de bronze aux championnats d’Europe juniors à Lisbonne/P. Comme j’avais des lunettes et que je ne voyais pas les tableaux d’affichage, Claude me guidait de sa voix directrice au bord du tapis.

En 1981, j’ai pris part à mon premier tournoi coupe du monde en Allemagne avec l’équipe élites, où j’ai récolté une médaille de bronze en moins de 60 kg, ne perdant que contre le vice-champion du monde. Le sélectionneur national m’a donc donné ma chance, à 19 ans, de participer aux championnats du monde à Maastricht/NL, paris gagné avec le mentor, 6 ans après ma promesse à Vienne/A.

En janvier 1982, la Fédération suisse m’a offert deux mois de stage au Japon pour m’entraîner à l’Université de Tokai, l’enfer du Levant, une « usine à champions », où s’entraînait notamment le célèbre Yamashita, judoka japonais invaincu toute sa carrière, champion du monde et olympique en lourd et toutes catégories.

L’environnement y était rude, une chambre de 15 m2 pour trois judokas, dont l’un de 2,04 m, un dojo ouvert où il faisait 2 à 5° lors de l’entraînement matinal. Quelque 5 heures d’entraînement quotidien, judo, musculation et footing. Des crevasses aux doigts de pied, des oreilles en choux fleur, le kimono qui collait à la peau, vu qu’il était interdit de porter un pull sous le judogi.

Le sacrifice du Japon valait ma peine, car je visais les championnats du monde juniors à Brasilia en avril 1982. Malheureusement ceux-ci ont été subitement annulés.

De rage, je suis parti à la pêche sur le Léman avec ma barque. Sur l’eau, des vagues mais pas de politique ni de finances, mais un tirage au sort d’une autre dimension, une truite de 6,8 kg et 88 cm (photos de Gilbert Hermann, fidèle émérite journaliste du JCM).

1982 constituera pour moi un tournant. Contre l’avis du mentor, eh oui j’ai osé, je suis monté de 60 à moins de 65 kg, car j’en pouvais plus avec ces régimes. Bien m’en a pris, j’ai d’entrée gagné mes trois combats aux championnats d’Europe par équipe, puis remporté l’international d’Espagne en bafant le vice-champion de France en titre par ippon.

En 1984, ce fut ma plus belle année. J’ai notamment conquis le bronze aux championnats d’Europe à Lièges/B, en battant pour la 3ème place Sandro Rosati / I, 3ème des championnats du monde en octobre 1983.

Fatigué par le cumul des entraînements et du travail à horaires irrégulieers d’inspecteur, tout ne s’est malheureusement pas déroulé comme prévu à Los Angeles. Claude Pellet n’a pas pu m’accompagner, mon kimono fétiche a été volé dans le village olympique et j’ai dû abandonner sur blessure en quart de finale contre Sandro Rosati, celui que j’avais battu à Lièges trois mois plus tôt. La preuve que l’amateurisme avait déjà ses limites à cette époque.

Stopper ma carrière internationale à 22 ans, après tout ce labeur et l’investissement de mon coach, quel gâchis, mais il m’a fallu faire des choix. Quarante ans plus tard je ne regrette rien. Signe du destin, Laurent Pellet et moi-même avons immortalisé notre belle grotte de Couvaloup, avec l’ancien président, Robert Champod, à qui je rends hommage pour son dévouement au profit du club, un gentleman qui nous a rapproché des Autorités communales et qui a contribué à obtenir le nouveau dojo à Beausobre.

Non seulement Laurent Pellet m’a succédé à l’échelle mondiale, mais il a brillamment assuré la continuité du JCM, en maintenant la tradition familiale et l’assise d’une équipe de copains, amateurs certes, mais fidèles sûrement. Chapeau bas.

  • prenez soin de votre corps en le ménageant par des efforts adaptés (musculation et exercices cardio)
  • optez pour des régimes proportionnés, surtout à l’adolescence
  • attachez de l’importance aux périodes de régénération physiques (progression et variété des entraînements) et psychiques (récupération et loisirs)
  • privilégiez une polyvalence technique, que vous soyez gaucher ou droitier, si possible en entraînant plusieurs mouvements spéciaux avant et arrière
  • donnez une grande importance au travail au sol, car vous vous rassurerez debout en cas de faille
  • entraînez avec rigueur la transition debout et sol (randoris mixtes), car les nouvelles règles d’arbitrage favorise cette vision
  • motivez-vous en regardant les vidéos de judo sur les réseaux sociaux, ça s’appelle l’apprenGssage du mental et l’expérience par immersion.

Générosité, disponibilité, compétence, persévérance, équité et loyauté, telles sont les valeurs reçues tout au long de ces années, sans distinction entre les compétiteurs doués et les praticiens idéalistes, merci à tous ceux qui maintiennent le JCM corps et âme.

Luc Chanson